ANNEXE

Extrait du livre « L’Etat coupable », Editions Jourdan-le Clercq, 2005
de l’avocat Mario Spandre :
 
« La première "affaire" dont Benoît de Bonvoisin a été victime est l’affaire LMCI. Elle a fait l’objet d’une procédure en révision à la suite d’un arrêt de la Cour de Cassation. Mais figurez-vous qu'elle n’a pu aboutir tout simplement parce que la pièce essentielle qui démontrait la véracité des déclarations de Benoît de Bonvoisin avait disparu… !
Cette affaire constitue un montage organisé avec le procureur Deprêtre (dont les liens avec la Sûreté sont notamment décrits dans le livre de Victor Massart [8]) ainsi que par le président du tribunal de Commerce Léonard, le curateur Bourlée et l’expert Renaud.
Il y a lieu d’observer que ces trois derniers ont été lourdement condamnés pour leurs pratiques délictueuses habituelles au tribunal de Nivelles, c'est-à-dire dans l’arrondissement où le procureur du Roi Deprêtre était censé faire régner l’ordre public.
La manière dont l’affaire LMCI a été traitée constitue, à plusieurs reprises, une violation du principe de l’égalité des armes et révéla un modus operandi que l’on retrouve dans le présent dossier 
».
 
En août 1976, M. Emile Kremer, administrateur-délégué de la Boomse Metaalwerken, société de construction métallique, est séquestré dans son bureau par des grévistes. Les caisses de cette société sont peu fournies et il n’y a pas de quoi payer les ouvriers qui partent en vacances le lendemain. A cette époque, le personnel est payé en espèces et M. Kremer, incapable de se déplacer puisqu’il est séquestré, téléphona à Benoît de Bonvoisin et lui demanda d’aller chercher cinq millions de francs à la société L.M.C.I, société avec laquelle la Boomse est en relation d’affaires. Pour rendre service à M. Kremer,  Benoît de Bonvoisin alla chercher cette somme, la remit à M. Kremer et les ouvriers furent payés.
 
En novembre 1978, la société LMCI est déclarée en faillite d’office par Monsieur Léonard, Président du tribunal de commerce de Nivelles. Maître Bourlée est désigné en qualité de curateur. L’état de faillite a toujours été vivement contesté et il a été établi que le juge Léonard n’hésitait pas à prononcer des faillites pour en partager les actifs avec certains membres du pouvoir judiciaire. Voir plus loin.
 
Par sa lettre du 23 novembre 1978, Maître Bourlée - qui sera ultérieurement condamné par la Cour d’appel de Bruxelles pour pratiques délictueuses demanda à Monsieur Jean  Deprêtre, Procureur du Roi à Nivelles, d’ouvrir une information du chef d’un prétendu détournement de cinq millions de francs au préjudice de LMCI, sa lettre étant libellée de manière à orienter l’attention sur Benoît de Bonvoisin. En fait, le Parquet de Nivelles, dirigé par Jean Deprêtre – qui fut par ailleurs mis en cause pour dysfonctionnements par des magistrats de Nivelles tels que Marc Cruysmans, juge d’instruction et par les substituts De Prelle et Cumps – désire lier Benoît de Bonvoisin à l’état de faillite alors qu’il n’est dans la société LMCI ni employé, ni cadre, ni administrateur, ni actionnaire et qu’il y a des dépositions comme quoi il a agi simplement comme messager. Une confrontation entre le comptable de LMCI et l’expert désigné par le Parquet, destinée à éclairer les intentions de toutes les parties en cause, est refusée par le tribunal.
 
Les cinq millions, mais voyons donc son enregistrement dans la comptabilité de LMCI, rétorque l’avocat de Benoît de Bonvoisin. La comptabilité, saisie par la Justice qui l’avait sous sa garde aurait normalement dû être entre les mains du curateur Bourlée mais elle avait « disparu ». En fait, la comptabilité – on l’apprendra par la suite – reposait, subrepticement, à l’insu des avocats, au dépôt des faillites de Nivelles. Et sans que des devoirs d’enquête élémentaires ne soient effectués et que la comptabilité ne soit présente, alors que le doute doit profiter à l’accusé, Benoît de Bonvoisin qui nie un détournement fut condamné par jugement du 20 février 1984 par le tribunal correctionnel de Nivelles.
 
Benoît de Bonvoisin se pourvoit en appel. La comptabilité n’est toujours pas présente et la Cour d’appel de Bruxelles ne s’en émeut pas. Elle confirme le jugement correctionnel de Nivelles, sans à nouveau faire droit au vieux principe que le doute doit profiter à l’accusé. Etant donné les remarques faites ultérieurement à Maître José Saels et Maître Mario Spandre lors d’une réception au Palais de Justice, par deux des trois conseillers siégeant à cette Cour d’appel, à qui étaient-ils donc inféodés quand ils ont jugé, pas à leur conscience professionnelle ?
Benoît de Bonvoisin se pourvoit en cassation et la Cour de cassation qui se doit de contrôler la légalité, la régularité d’une décision de justice n’y trouve rien à redire. Quelle défaillance de cette chambre de la Cour de cassation qui ne trouve pas aberrant que l’on condamne quelqu’un qui nie avec force un détournement et cela en l’absence de la comptabilité.
 
S’aventurer en justice est un processus très lent, en Belgique : une procédure d’appel peut, à Bruxelles, prendre de trois à cinq ans et une procédure en cassation peut prendre jusqu’à deux ans. Or,
-         le jugement du tribunal correctionnel de Nivelles est prononcé le 20 février 1984,
-         l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles le 30 mai 1984 – soit trois mois plus tard,
-         et celui de la Cour de cassation le 5 décembre 1984, soit dans un délai de six mois.
 Le tout aurait dû prendre plusieurs années mais fut effectué sur une période de moins d’un an. Du jamais vu !
 
Mais il y a pire.
 
Comme ce fut mentionné à la Cour de Cassation, le Parquet cachait à la Cour d’Appel de Bruxelles un autre dossier portant les notices 70.99/760/83 dont l’instruction était diligentée par le juge d’instruction Benoît Dejemeppe, exonérant Benoît de Bonvoisin.
En effet,  la comptabilité avait été r e t r o u v é e. Scandalisé par ce qui s’était passé, un fonctionnaire du Palais de Justice de Nivelles informa ultérieurement l’ancien administrateur-délégué de la LMCI que la comptabilité reposait depuis toujours dans une réserve du Palais de Justice et… qu’il avait été décidé de la détruire sous peu. Donc la comptabilité n’avait jamais disparu et se trouvait déposée, secrètement, à l’insu des avocats au dépôt des faillites de Nivelles.
 
Du fait de cet élément nouveau, un recours fut adressé à la Cour de Cassation qui ordonna un procès en révision et renvoya l’affaire devant la Cour d’appel de Mons. Mais le pouvoir judiciaire ne supporte pas d’être confronté à une erreur. Ce qui allait apparaître patent à Mons, grâce à une supercherie.
 
Finalement, à Mons la comptabilité qui avait soi-disant disparu était bien là et ainsi aussi les factures émises par LMCI. Celles-ci étaient numérotées ; il y avait une facture numérotée 4/76 et la suivante 6/76. Celle numérotée 5/76 avait été subtilisée, justement celle devant exonérer Benoît de Bonvoisin.
 
Comme l’indique l’avocat Mario Spandre dans son livre « L’Etat coupable », la procédure en révision se déroule en présence d’un avocat général, dans le cas présent M. Pierre Bernard. Il a donc constaté le délit. Pourquoi n’a-t-il pas poursuivi comme l’y oblige la loi ? Dans un procès normalement instruit, le procureur général aurait dû, d’office, désigner immédiatement un juge d’instruction qui aurait eu pour mission de rechercher comment dans des registres régulièrement paginés par le Parquet lui-même, la page 5/76 concernant le fait reproché à un prévenu avait disparu et surtout rechercher qui était l’auteur de ce délit. Je vous l‘ai dit tout à l’heure, c’est invraisemblable le nombre de pièces qui ont disparu chaque fois qu’elles pouvaient profiter à Benoît de Bonvoisin.
 
A cause de l’absence de cette pièce comptable, Benoît de Bonvoisin ne put démontrer son innocence et la Cour maintint sa condamnation.
 
Aussi Benoît de Bonvoisin se pourvut à nouveau en cassation. La Cour, par son arrêt du 29 juillet 1997, ne s’inquiéta pas de l’instruction incomplète menée en l’absence d’une pièce comptable essentielle ni du manquement de l’avocat général en semblables circonstances. Elle rejeta le pourvoi.
 
Il est bon d’ajouter ici qu’en janvier 2006, Maître Vincent van den Bosch, avocat d’un des prévenus, écrivait à Maître Jean-Pierre Vanderborght, curateur de la société LMCI,  pour lui exprimer sa surprise « de la disparition totale du dossier LMCI du greffe du Tribunal de Commerce de Nivelles et de ses archives ». Il ajoutait : « Je n’ai pas été plus heureux à la Cour d’Appel de Bruxelles, nonobstant l’autorisation d’y accéder conférée par Monsieur le Procureur Général ». Et de poursuivre : « Ces instances peuvent-elles justifier de la clôture d’un dossier en 1992 pour qu’il soit désormais introuvable ?».
 
On ne terminera pas cet aperçu sans mentionner que Philippe Léonard, Président du Tribunal de Commerce de Nivelles, le curateur Maître Paul Bourlée, juge suppléant, et l’expert Bruno Renault furent, en avril 1987, condamnés par la Cour d’appel de Bruxelles à de lourdes peines pour de nombreuses malversations dans la gestion de faillites de Nivelles et notamment pour avoir indûment provoqué des faillites à plusieurs reprises.
 
Sous l’impulsion et grâce à la détermination de Maître Graindorge, avocat de certains faillis à Nivelles, des dossiers de faillites furent réouverts. Mais on s’est arrêté à une liste ne comprenant pas le dossier LMCI dont la faillite n’était cependant toujours pas clôturée!
Et pour cause : interrogé par l’officier judiciaire Charles Brunson, M. Boulemberg, administrateur-délégué de LMCI lui déclara que « la mise en faillite de la Sté LMCI a été une manœuvre scandaleuse et illicite » et qu’il faudrait la rouvrir. M. Brunson ne lui laissa aucun espoir à cet égard en lui précisant « en toute amitié que LMCI n’avait aucune chance car l’on voulait la ‘peau’ de M. de Bonvoisin ». Ce que M. Boulemberg confirma ultérieurement à Maître Vincent Van den Bosch dans une lettre dont copie fut adressée à Benoît de Bonvoisin.
 
Dans les facultés de droit, les professeurs qui, à l’avenir, référeront ce cas à leurs étudiants en parleront non comme d’un manquement ou d’une erreur judiciaire mais comme une forfaiture de la justice.
 
A noter que le Procureur Deprêtre a mentionné qu’il avait rencontré M. Raes plusieurs fois. Donc, le complot ourdi par Philippe Moureaux avec Albert Raes lançant de fausses accusations contre Benoît de Bonvoisin et le Cepic fut concomitant à ce complot judiciaire destiné à les éliminer tous les deux de la scène politique.

 
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(8)   Massart Victor, Les dés étaient pipés  -  Conspirations à la Sûreté de l’Etat,   Editions Quorum SPRL (1997).
 





[8]  MASSART Victor, Les dés étaient pipés – Conspiration à la Sûreté de l’Etat,  Editions Quorum SPRL (1997)